À propos de Léonel Noubou Noumowe
Léonel Noubou Noumowe est diplômé en histoire et en archivistique. Docteur en histoire de l’Université de Lorraine, il a consacré sa thèse à l’étude de l’évolution des forces militaires au Cameroun : De la milice coloniale à l’armée camerounaise : constellation d’unités et mosaïque militaire, 1914-1972. Approche sociologique et prosopographique. Il est actuellement chef du service archives et données à l’Institut National d’Études Démographiques (INED).
Discutant
Daniel Foliard est professeur agrégé et enseigne à l’Université Paris Cité. Spécialiste des colonialismes et impérialismes, ses recherches portent sur la construction des savoirs coloniaux et l’histoire de la photographie. Docteur de l’Université Paris-Sorbonne (2011) et habilité à diriger des recherches (2019), il a été maître de conférences à l’Université Paris Nanterre (2012-2021) avant d’occuper son poste actuel. Il est l’auteur notamment de Combattre, punir, photographier. Empires coloniaux, 1890-1914 (La Découverte, 2021) et participe au projet Eycon, qui explore l’usage des images dans les contextes coloniaux.
Retour sur la communication

Cette communication examine le rôle de la photographie dans la construction des récits de la guerre de décolonisation au Cameroun, en analysant son utilisation comme outil de légitimation et de disqualification par les différents acteurs du conflit. Dès les émeutes de mai 1955, point d’orgue des contestations sociales et politiques précédant la guerre, les images de violence deviennent un support central du cadrage rhétorique de l’administration coloniale et un moyen de délégitimer l’adversaire politique – l’Union des populations du Cameroun (UPC) – à travers la mise en scène de sa « cruauté photographiquement établie ».
1. L’usage colonial de la photographie comme preuve et outil de contrôle
La photographie est mobilisée par le pouvoir colonial pour documenter les enquêtes sur la « violence politique de l’UPC ». Les clichés de cadavres exhumés, de rues barricadées ou d’armes saisies servent non seulement d’éléments de preuve, mais aussi de supports à un discours visant à criminaliser le mouvement nationaliste. À travers ces mises en image, l’administration cherche à établir la culpabilité et la dangerosité de l’UPC en l’associant à une menace subversive nécessitant une répression légitime.
2. Une contre-offensive visuelle : la photographie au service des nationalistes
Progressivement, l’usage de la photographie s’équilibre avec la contre-offensive visuelle des militants nationalistes, qui mobilisent à leur tour des images pour dénoncer la brutalité de la répression coloniale. En capturant les violences exercées par l’administration, ces photographies deviennent un moyen de sensibilisation et de contestation, circulant dans les réseaux militants et les médias internationaux. Ainsi, la photographie ne se limite pas à un outil documentaire : elle devient un instrument de lutte politique, façonnant les perceptions du conflit.
3. Images, récits et historiographie : un regard croisé sur les usages politiques de la photographie
L’analyse croisée des photographies prises aussi bien par le pouvoir colonial que par les nationalistes montre que ces images ne sont pas de simples témoignages historiques, mais le produit d’un processus sociotechnique de sélection, orienté par des impératifs politiques. En dépassant la seule dimension visuelle, cette communication propose de décentrer le regard pour interroger les usages, les enjeux et le statut des photographies dans les récits de la décolonisation du Cameroun. Elle met en lumière la manière dont ces images continuent d’alimenter les imaginaires et l’historiographie du conflit, révélant les tensions entre mémoire, politique et construction du récit national.