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Axe 1 – Legs coloniaux et perspectives décoloniales

Présentation

Cet axe explore, d’un point de vue méthodologique tout d’abord, les modes de production de la recherche, c’est-à-dire de la connaissance et du savoir, en abordant la question des études décoloniales. Ces dernières, apparues dans le champ de la recherche latino-américaine, bénéficient d’une reconnaissance récente en langue française. L’entrée du terme « décolonial » dans le Larousse les définit comme « un courant de pensée qui postule que des rapports de domination subsistent entre l’Occident et ses anciennes colonies, des décennies après leur indépendance » (Dufoix, 2023).

Ces perspectives relèvent à la fois d’un champ de recherche et d’une méthode. Parfois confondues en France avec le concept militant de décolonialisme (terme notamment utilisé par ceux et celles qui critiquent ce type d’études), les études décoloniales souffrent d’une réception mitigée. Souvent critiquées, elles le sont toutefois différemment selon les contextes. En effet, « si en France les études décoloniales sont dénoncées sur leur droite à partir d’une matrice conservatrice nord-américaine, en Amérique latine elles sont critiquées sur leur gauche parce qu’elle ne sont pas assez engagées sur le terrain des luttes sociales, indigènes, féministes et écologistes » (Boidin, 2022). Certains chercheurs estiment que les études décoloniales souffriraient d’une forme d’ »inflation théorique » (Orellana, dans Makaran, Gaussens, 2020). Ainsi, le passage de la théorisation à l’application au « terrain » n’aurait pas été chose aisée.

L’application aux Afriques des théories décoloniales qui ont émergées en Amérique latine n’est pas exempte de critiques, mais reste encore récente. Les décolonisations politiques de du continent africain étant plus récente que sur le continent sud-américain, le recul sur l’étude de l’empreinte colonial se développe progressivement. L’Afrique subsaharienne serait marquée par de lourds « héritages ». La traite et la colonisation auraient influencé la construction et la formation des États indépendants, tandis que le poids des traditions aurait orienté les trajectoires des sociétés africaines postcoloniales. Si le concept de tradition a déjà été remis en question (Hobsbawm, Ranger, 1992), celui de legs colonial demeure encore peu conceptualisé, à l’exception de travaux tels que ceux du politiste Jean-François Bayart ou de l’historien Romain Bertrand en France. L’application aux Afriques des théories décoloniales émergentes en Amérique latine permet d’alimenter en partie ces réflexions, notamment en interrogeant la production des connaissances et la critique décoloniale.

Cet axe de recherche propose donc de repenser ces différentes perspectives en jouant sur les jeux d’échelles entre les concepts : d’une part, en portant une attention particulière sur la production du savoir par les chercheur.es attaché.es au programme et à leur questionnement méthodologiques ; d’autre part, en considérant la question décoloniale comme un champ de recherche à travers l’étude concrète des processus de legs et de permanence des héritages coloniaux. Ainsi, si étudier le legs colonial permet d’analyser les processus de transmission de l’héritage colonial, l’examiner dans une perspective décoloniale ne revient-il pas à considérer que ce legs est toujours d’actualité, plusieurs décennies après les indépendances ? Quels sont alors les processus de transmission du legs colonial encore à l’œuvre aujourd’hui dans les sociétés africaines ?

Références bibliographiques

  • Bayart, J.-F., & Bertrand, R. (2006). De quel “legs colonial” parle-t-on ? Esprit, p. 134-160.
  • Cahen, M. (2024). Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept. Paris : Karthala.
  • Colin, P., Quiroz, L. (2023). Pensées décoloniales : une introduction aux théories critiques d’Amérique latine. Paris : Zones.
  • Dufoix, S. (2023). Décolonial. Paris : Anamosa.
  • Hobsbawn, E., & Ranger, T. (1992). The Invention of Tradition. Cambridge : Cambridge University Press.
  • M’bonda, E.-M. (2021), Une décolonisation de la pensée : études de philosophie afrocentrique. Paris : Sorbonne Université Presses.
  • Ndlovu-Gatsheni, S. J. (2021). Le long tournant décolonial dans les études africaines. Défis de la réécriture de l’Afrique. Politique africaine, 161-162, p. 449‑472. [traduit de l’anglais]

Séances du séminaire en lien

  • Séance 1Brice Molo, Catastrophes, utilité publique et renégociation de l’Etat au Cameroun. Histoire d’une socialisation événementielle. 6 novembre 2024.
  • Séance 6 – Romain Tiquet, Koutal Keur Malick Ndiaye : entre enfermement, contrôle économique et relégation des corps (post)coloniaux (Sénégal années 1930-1970). 23 janvier 2025.
  • Séance 8 – Louise Klein, Réformes du droit et politiques juridictionnelles au Somaliland colonial et postcolonial (1884-2021). 19 février 2025.