Considérer les « Afriques au Sud du Sahara »
En portant le regard sur « les Afriques au sud du Sahara », ce programme vise à s’éloigner d’une vision sur l’Afrique comme un ensemble homogène. Au contraire, partir du postulat d’un continent pluriel a pour but de sortir des approches globalisantes et s’extraire des biais négatifs et essentialisants qui y sont attachés.
En proposant un programme de recherche à l’échelle semi-continentale, notre visée est double. D’une part, mettre en lumière les complexités et diversités de ces zones au-delà de discours les abordant en grands ensembles (Afrique “australe”, “centrale”, “de l’ouest” ou “de l’est”). D’autre part, penser l’Afrique et le monde c’est-à-dire souligner et interroger les connexions anciennes et contemporaines de ces zones avec le reste du monde. Ce faisant, il s’agit de redonner au continent sa juste place tant dans le type de savoirs produits que dans les processus d’élaboration de ces savoirs.
La circulation des savoirs scientifiques – parfois (voire souvent) entravée par des questions financières, politiques, institutionnelles voire de discriminations – engendre un manque criant de coopération avec les chercheur·ses africain·es. En outre, une tendance encore trop forte au rejet de la scientificité des sciences sociales non occidentales en France conduit à une invisibilisation de la recherche produite en Afrique sur l’Afrique et à une domination épistémique des sciences sociales occidentales. A travers la mise en place de projets interdisciplinaires, il s’agit de favoriser la création d’un “espace commun, facteur de cohésion entre des savoirs différents” (Gusdorf, 1990) où les chercheur·ses de toute origine, formation et discipline des sciences humaines et sociales trouveraient leur place.
Nos axes de recherche
1/ Legs coloniaux et perspectives décoloniales
L’Afrique subsaharienne serait dominée par de lourds « héritages » influençant les trajectoires des sociétés postcoloniales : aux conséquences de la traite et de la colonisation s’ajouterait le poids de « traditions » prétendument tenaces. Comprendre et repenser le véritable poids des héritages coloniaux, c’est également mettre en évidence l’agentivité des acteurs et actrices. Ce premier axe vise à interroger ces discours et contribuer aux débats qu’ils suscitent, à travers deux approches :
- L’application aux Afriques des théories post- et décoloniales – nées en Amérique latine et ayant souvent, encore aujourd’hui, mauvaise presse en France ;
- Travailler la notion de “legs colonial”, qui interroge les processus de transmission de l’héritage colonial et demeure encore peu conceptualisée.
2/ Dynamiques et transformations politiques
Ces dernières années, transformations politiques et changements de régime se sont multipliés à travers le continent. Coups d’Etat militaires, révisions constitutionnelles, élections contestées, insurrections armées se revendiquant parfois de l’extrémisme religieux, régression des libertés individuelles et publiques : ces événements voient fleurir des théories postulant un « retour de l’autoritarisme » sur le continent, ou l’émergence de « nouvelles catégories d’autoritarisme » spécifiquement africaines. En réalité, de tels mouvements s’inscrivent dans une histoire régionale pluriséculaire et dans des logiques socio-politiques plurielles et éminemment locales. Ils véhiculent des revendications sociales, économiques, politiques, culturelles ou religieuses et révèlent des crises multiformes. En prenant pour objet les dynamiques politiques actuelles des Afriques au sud du Sahara, cet axe questionnera :
- La notion d’« autoritarisme(s) africain(s) », ses usages et effets ;
- Les rapports des citoyens et citoyennes à l’Etat ;
- Le rôle des mouvements sociaux et leur influence sur les politiques publiques et les agendas politiques ;
- L’impact des interventions étrangères (investissements, aide internationale, politiques diplomatiques) et les réponses qu’y apportent les acteurs et actrices nationales (figures étatiques, membres de l’opposition, etc.) mais aussi locales (populations).
3/ Conflictualités et violence(s)
Les grilles d’analyses occidentales sur la violence dans les Afriques sont souvent dominées par des raccourcis et des classifications hâtives, qui prolongent des clichés hérités pour partie des classifications coloniales et notamment de l’invention des « races guerrières ». Cet axe se propose de (re)penser les concepts de violence(s) et de conflictualités dans les Afriques et leur articulation, pour interroger :
- Les ressorts de montée et d’entrée dans la violence ;
- Le rôle des images et des représentations dans la médiatisation outrancière des violences, allant souvent de pair avec l’idée que les affrontements seraient plus meurtriers qu’autrefois ;
- Les frontières mouvantes du fait guerrier aujourd’hui, ainsi que les autres types de violences (politiques, symboliques, d’État, etc.) porteurs eux aussi de conflictualités.
4/ Risques, santé et environnement
Bien que peu responsables de la dégradation de la situation environnementale à l’échelle mondiale, les territoires africains sont parmi les régions les plus affectées par la crise climatique. Les conséquences ne sont pas seulement écologiques, elles touchent également la santé et les modes de vie. Les répercussions sont nombreuses, de la multiplication des conflits et des zones à risque aux situations de famine et de sécheresse, en passant par la propagation de maladies et une vulnérabilité accrue aux épidémies.
Dans cette optique, le triptyque risques / santé / environnement offre une perspective essentielle pour comprendre les sociétés africaines contemporaines et leurs formes de gouvernance. Il s’agira d’étudier :
- La question du risque à la fois dans sa dimension probabiliste et dans celle de la crise, en examinant les dispositifs mis en place pour y faire face ;
- Les manières plurielles (et parfois concurrentielles) de concevoir les risques, les catastrophes et leurs impacts ;
- Comment chacun de ces facteurs (risques, environnement, santé) influence les structures fondamentales de la société.
5/ Genre et sociétés
La notion de “genre” a été élaborée dans les années 1970 afin d’analyser les rapports de pouvoir qui structurent la vie sociale. Mais transposée dans le répertoire de l’action publique et dans les sphères internationales, elle fait l’objet d’une euphémisation. Elle devient un outil descriptif plutôt qu’un support de revendications, permettant d’adoucir le discours sur le pouvoir et la reproduction des inégalités.
En parallèle se multiplient, à l’échelle globale, des mobilisations et campagnes « anti-genre » se revendiquant souvent, en contextes subsahariens, de l’anti-impérialisme et de la défense de supposées « valeurs africaines ». En s’intéressant à la manière dont ces enjeux s’incarnent et prennent forme dans les Afriques, il s’agit d’analyser les stratégies déployées par les populations, figures gouvernementales et organisations internationales :
- Comment le concept de genre est-il traduit, interprété et transposé et avec quelles adaptations, résistances, réinterprétations ?
- De quelle(s) manière(s) des situations postcoloniales façonnent, facilitent ou entravent-elles les interventions de promotion ou d’opposition au genre ?
- Quels effets sur les populations et contextes locaux, et comment les conceptions et normes de genre locales en influencent-elles la mise en œuvre et la réception ?
- Comment ces interventions interagissent-elles avec, voire influencent ou recomposent-elles les relations de pouvoir à différentes échelles ?
Qui sommes-nous?
Notre histoire
Le programme Afriques est né de discussions entre des jeunes chercheur·ses au carrefour de trois disciplines (anthropologie, histoire, sociologie) souhaitant favoriser la recherche interdisciplinaire sur les Afriques et faisant face en France à un triple constat. D’abord, l’enfermement des travaux portant sur le continent dans des écoles, sphères, départements, formations “africanistes” – au contraire d’autres aires, plus facilement intégrées dans des approches globales. Ensuite, le manque de valorisation et d’accès à la recherche issue du continent. Enfin, le manque d’espaces permettant d’échanger et d’innover autour d’approches communes et co-construites, notamment pour les jeunes chercheur·ses.
Notre équipe
Nous rejoindre
Le programme Afriques s’ancre dans l’ambition de Noria Research de produire, soutenir et diffuser une recherche indépendante en sciences humaines et sociales, qui s’appuie sur une solide expérience de terrain. Vous partagez ces objectifs et souhaitez nous rejoindre ? Votre recherche s’inscrit dans l’un (ou plusieurs) de nos axes ? N’hésitez pas à prendre contact en nous envoyant une brève description de votre parcours, vos thématiques de recherche et ce que vous souhaitez apporter au programme Afriques à l’adresse suivante : afriques@noria-research.com